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Le blog de Reinaldo

9 janvier 2006

Ecole: non au renoncement!

Rebond dans le Libé d'hier, très intéressant à mon avis...

Samuel Johsua, université de Provence, Philippe Meirieu, université Lyon-II et Jean-Yves Rochex, université Paris-VIII Saint-Denis

La «crise des banlieues» qu'a connue notre pays durant le mois de novembre a été l'occasion, ou le prétexte, pour le gouvernement d'annoncer la fin de la scolarisation obligatoire jusqu'à 16 ans, avec la possibilité d'aller en apprentissage sous contrat de travail dès 14 ou 15 ans, ainsi qu'une nouvelle réforme des zones d'éducation prioritaires (ZEP) qui renie toute ambition de transformation progressiste véritable de notre système éducatif. Certes, il est plus que jamais nécessaire de débattre des difficultés, des modalités et des conditions de la démocratisation de notre système éducatif et de l'accès aux savoirs, ainsi que d'opérer un bilan critique des politiques menées depuis trente ans. Mais ce qui nous est proposé aujourd'hui n'a rien à voir avec cela et relève au contraire du renoncement historique à cette ambition.

Une part de l'opinion publique et du monde enseignant est sans doute favorable à la possibilité pour des adolescents, en difficulté au collège, de quitter celui-ci dès 14 ans pour aller en apprentissage. Mais s'est-on demandé quels jeunes seront concernés en priorité par une telle mesure ? Les fils de ministres, d'avocats, de médecins ou d'enseignants montreront-ils la voie en ce domaine ? Une telle mesure est bien plutôt un moyen de délester le service public d'éducation des questions que lui posent la difficulté et la relégation scolaires et sociales, tout en brandissant l'argument du réalisme et de la prise en considération de la situation difficile qui est effectivement celle de trop nombreux jeunes d'origine populaire aujourd'hui au collège. Mais ce réalisme est un réalisme illusoire, et il y a pour le moins une énorme hypocrisie à présenter l'apprentissage précoce comme solution pour les jeunes des quartiers les plus paupérisés et les plus stigmatisés : comment peut-on croire ou laisser croire que ces jeunes, qui sont déjà les premières victimes de la discrimination à l'embauche ou pour trouver un stage lorsqu'ils sont élèves de l'enseignement professionnel, ne le seraient plus dès lors qu'ils auraient deux ans de moins ? C'est, en réalité, un réalisme du renoncement, au nom de l'adaptation à une situation urbaine, sociale, économique, culturelle et scolaire engendrée par une politique libérale qui organise la concurrence systématique entre les individus, accroît les écarts et «externalise» les exclus.

Chacun sait que l'apprentissage à 14 ans, ce sera l'orientation encore plus précoce vers des classes où l'on parquera, en attendant, ceux qui sont les premières victimes du fonctionnement élitiste et socialement inégalitaire de notre système éducatif, ceux qu'il faudrait, non pas chercher à séduire par des promesses illusoires, mais au contraire réconcilier avec l'étude, le travail et la culture scolaires. Chacun sait que cette mesure est aux antipodes d'une véritable formation, générale et professionnelle, et qu'elle témoigne d'un mépris détestable pour les métiers dits «manuels» qu'elle réduit à de simples tâches d'exécution, ne nécessitant qu'une formation scolaire au rabais. Chacun sait que le vrai courage politique ne consiste pas à «traiter» les problèmes par l'exclusion, mais à s'attaquer, le plus tôt possible, et donc dès les premières classes, à la genèse de l'échec et de la ségrégation scolaires. Non, l'issue n'est pas dans la politique du renoncement mais dans une politique qui rompe avec la gestion sociale de l'inégalité et de la ségrégation sociales et scolaires, qu'est devenue, au fil du temps, la politique «en faveur des plus démunis». Non il n'est plus possible d'accepter que, dans ce domaine comme dans tant d'autres ­ la protection sociale et l'emploi en particulier ­, les hommes politiques qui nous gouvernent s'évertuent à transformer les victimes en coupables, à envoyer en permanence aux vaincus du libéralisme des signaux leur disant : «C'est de votre faute ! Vous n'aviez qu'à être du côté des vainqueurs !» Cette pensée qui bafoue l'idéal d'une république sociale est à l'inverse de ce qui permettrait à notre peuple de redresser la tête et de prendre sa place dans un monde solidaire. Faut-il rappeler, une nouvelle fois, qu'«une chaîne ne vaut que ce que vaut son maillon le plus faible» ?

Les mesures annoncées par le gouvernement concernant les ZEP participent ainsi, elles aussi, d'une détestable politique du renoncement. C'est tout d'abord l'annonce selon laquelle cette nouvelle «relance» des ZEP devra se faire à moyens constants, alors que tous les analystes de cette politique insistent sur la faiblesse des moyens qui lui ont été accordés. Annonce renforcée, quelques jours plus tard, au beau milieu des vacances scolaires, par celle d'une diminution de plus de 30 % des postes mis au concours en 2006. C'est ensuite la concentration quasi exclusive des mesures annoncées sur les collèges qui, d'une part, pourrait laisser croire qu'il n'y aurait pas de problème en amont, à l'école maternelle et élémentaire et, d'autre part, qu'il n'est pas nécessaire de s'attaquer aux processus de ségrégation sociale, urbaine et scolaire qui produisent la paupérisation et la précarisation croissantes d'une part de plus en plus grande de la population habitant ou fréquentant les quartiers et les établissements scolaires «de banlieue». C'est encore la possibilité donnée aux meilleurs élèves de ZEP de s'inscrire dans l'établissement de leur choix qui affiche, en creux, le peu d'ambition que l'on a pour les établissements qui concentrent déjà aujourd'hui, et concentreront encore plus demain, les élèves les plus «défavorisés» et, en particulier, évidemment, les lycées de banlieue qui vont se trouver de plus en plus ghettoïsés, bloquant plus que jamais l'ascenseur social qu'on prétend faire redémarrer.

C'est enfin l'accent exclusif mis sur l'individualisation des mesures et sur la volonté, affirmée aussi bien par Gilles de Robien que par Nicolas Sarkozy, de ne plus donner la priorité aux «zones» mais aux élèves. A ce moment encore, derrière une question qui mérite débat (faut-il privilégier une approche en termes de territoires, ou en termes de rapports entre le système éducatif et certaines catégories de population ?), se dissimule ­ bien mal ­ une volonté de renoncement à la transformation nécessaire de l'Ecole et de lutte contre toutes les formes de «fracture sociale». On voudrait nous laisser croire, en privilégiant une logique de traitement individuel, qu'il suffirait de mieux «adapter» les enfants de milieux populaires (à grands renforts de soutien, de rattrapage, de parrainage, voire de culpabilisation ou de pénalisation de leurs parents) à un système éducatif dont le fonctionnement élitiste pourrait demeurer inchangé. Mais les enfants des «banlieues», ceux des milieux populaires posent au contraire, à notre société comme à notre Ecole, le problème de leur nécessaire transformation ; ils nous obligent à mieux penser et à mettre en oeuvre les conditions, sociales, économiques et scolaires de la démocratisation de l'accès au savoir et à l'exercice de la pensée critique. Perspective à laquelle tourne obstinément le dos ce gouvernement autiste, enfermé dans une logique du renoncement qui lui fait brader toute ambition pour l'Ecole et qui le conduit à promettre une scolarité au rabais à ceux qui auraient au contraire besoin, non seulement de plus mais de mieux d'Ecole.

Quand cette politique s'accompagne d'une multitude d'autres renoncements plus ponctuels mais tout aussi significatifs : abandon, en terminale, des travaux personnels encadrés qui permettaient la formation au travail de groupe et à la recherche documentaire exigeants, imposition aux professeurs d'école de la méthode syllabique au détriment d'un apprentissage progressif et critique de la lecture tout au long de la scolarité, présence dans les établissements de forces de police pour faire régner l'ordre alors qu'on refuse à ces mêmes établissements les moyens en conseillers principaux d'éducation et en cadres éducatifs, enseignement des «bienfaits» de la colonisation, réduction de l'éducation civique à l'apprentissage de la Marseillaise, etc., alors il n'est plus temps de s'inquiéter, il est urgent de chercher, par tous les moyens, à résister.

(1) Ce texte a également reçu, entre autres, les signatures des enseignants, chercheurs et universitaires suivants : Chantal Amade-Escot, Jean-Pierre Astolfi, Anne Barrère, Elisabeth Bautier, Yves Chevallard, François Dubet, Marie Duru-Bellat, Sylvia Faure, Jacques Fijalkow, Dominique Glasman, Roland Goigoux, Jean Houssaye, Marie-Anne Hugon, Bernard Lahire, Alain Legardez, Claude Lelièvre, Gérard Mauger, Denis Meuret, Mathias Millet, Jacques Pain, Patrick Rayou, Françoise Ropé, Gérard Sensevy et Daniel Thin.

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9 janvier 2006

Chavez antisémite!

Je reste un profond partisan de la "révolution bolivarienne" qui a lieu au Vénézuela, mais là, c'est quand même n'imoprte quoi!

Je savais que le socialisme ltino-américain était fortement imprégné de valeurs chrétiennes, mais là on sombre dans le ridicule. Jamais le progressisme ne pourra se construire sur la stigmatisation de groupes identitaires, quels qu'ils soient!

Antinéolibéral, anti-impérialiste... et antisémite ? Le président vénézuélien Hugo Chávez, héros de la gauche radicale latino-américaine, a identifié les «maîtres du monde» : «Les descendants de ceux qui ont crucifié le Christ.» Cette «minorité s'est emparée des richesses du monde». Des déclarations tenues le 24 décembre, passées d'abord inaperçues et qui inquiètent la petite communauté juive vénézuélienne, 0,1 % de la population, d'autant que d'autres soupçons visaient déjà depuis longtemps le président vénézuélien. La veille de Noël, Hugo Chávez visite un centre d'hébergement et de réinsertion de personnes sans domicile fixe à Miranda, dans l'Etat de Zulia. Il discute avec la directrice et les personnes qui vivent là, se lance dans des diatribes habituelles contre «l'impérialisme» et célèbre «Jésus, le commandant des commandants des peuples, Jésus le justicier (...), le Christ révolutionnaire, le Christ socialiste». «Plus que jamais, le Christ nous manque (...), mais il se trouve qu'une minorité, les descendants de ceux qui ont crucifié le Christ (...) s'est emparée des richesses du monde [...] et a concentré ces richesses entre quelques mains.»

«Dans ses mots convergent deux arguments centraux de l'antisémitisme, a réagi la délégation du centre Simon Wiesenthal pour l'Amérique latine, en Argentine, celle qui accuse les juifs d'avoir tué Jésus, et celle qui les associe avec les richesses.» «Il est particulièrement paradoxal, poursuit ce communiqué, que le président d'un pays qui dans quelques jours va être hôte d'un des rassemblements de la pensée progressiste, le Forum social mondial, utilise une rhétorique réactionnaire et moyenâgeuse.»

Le centre Simon Wiesenthal réclame des «excuses publiques» : «Le silence pourra seulement être interprété comme une réaffirmation d'une pensée raciste.» Excuses publiques qui ne viendront jamais. Le texte intégral de la «soirée de Noël» de Hugo Chávez était toujours en ligne hier sur le site officiel du ministère de la Communication et de l'Information vénézuélien.

Le 29 novembre, la communauté juive vénézuélienne s'était déjà inquiétée quand 25 policiers armés avaient investi le Centre hébraïque de Caracas, qui inclut une école, pour, officiellement et en vain, chercher des indices sur l'assassinat à la voiture piégée, un an auparavant, du procureur chargé d'enquêter sur le coup d'Etat du 12 avril 2002 qui avait chassé Hugo Chávez du pouvoir pendant deux jours. Des médias d'Etat vénézuéliens avaient insinué que le Mossad pourrait avoir été derrière cet assassinat. Le procureur général du Venezuela a également accusé la CIA d'avoir «planifié» cet attentat.

Dans les années 90, Hugo Chávez a longtemps été conseillé et inspiré par Norberto Ceresole, notamment sur le thème favori du président vénézuélien, les liens entre Armée, Caudillo, Peuple, titre d'un livre de cet «idéologue» argentin qui avait déjà été conseiller de la dictature militaire nationaliste «de gauche» péruvienne de Juan Velazco Alvarado, entre 1968 et 1975. Norberto Ceresole est un révisionniste affiché qui disait de lui-même, avant sa mort, en 2003 : «Je ne suis bien sûr ni antisémite ni nazi (...), je fais juste partie d'un révisionnisme qui veut démontrer qu'une partie importante du récit de la déportation et de la mort des juifs sous le système nazi a été arrangée en forme de mythe.» Après la tentative de coup d'Etat du lieutenant-colonel Hugo Chávez en 1992, Norberto Ceresole avait été expulsé du pays. Chávez l'avait rappelé à ses côtés en 1998, juste après son élection, avant de s'en séparer un an plus tard.

Chávez sera aussi un des premiers chefs d'Etat à recevoir ­ «début 2006» ­ le président iranien, élu en juin 2005, Mahmoud Ahmadinejad, celui-là même qui a appelé à «rayer Israël de la carte».

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